Comment Buzzfeed, Facebook et Youtube nous rendent malheureux

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Sous ce titre dramatique se cache un article qui aborde la mécanique de l’addiction aux divertissements digitaux et l’impact que ceux-ci peuvent avoir. En tant que geek c’est difficile à admettre, mais trop de temps passé en ligne a un véritable impact sur notre appréciation de la vie de tous les jours. Voyons comment et pourquoi.

Pour mieux comprendre ce sujet, j’aimerais vous soumettre un exercice : Analysez la façon dont vous vous sentez quand vous consultez Facebook, Instagram, Reddit ou votre site/application de choix pendant au moins 1 heure.

Le cycle infernal de la procrastination

Si vous êtes comme moi, les premières minutes sont les plus agréables. Vous ressentez une forme de plaisir et vous vous dites que vous avez fait le bon choix, que vous méritez ce moment détente. Puis, assez rapidement, au bout de 5, 10, peut-être 15 minutes, ce plaisir retombe et est remplacé par la curiosité de la prochaine image/publication. Vous vous perdez dans les photos, les commentaires amusants ou énervants, et sans que vous vous en aperceviez ça fait déjà 30 minutes que vous êtes sur ce site.

Au bout de ces 30 minutes vous vous dites que vous devriez peut-être aller faire autre chose, continuer votre travail en cours ou aller faire le ménage. Mais quoi que vous conjuriez à votre esprit, ça semble inintéressant face au flux interminable de nouvelles informations ou friandises visuelles. Alors vous continuez.

Au bout d’une heure le plaisir ressenti au début de la séance n’est qu’un lointain souvenir. Vous commencez à vous sentir coupable mais aussi, étrangement, fatigué. Une sorte de brouillard commence à se former dans votre cerveau. Généralement c’est à ce moment-là que vous arrêtez votre navigation, car elle est devenue désagréable et fatigante, en plus de vous culpabiliser. Alors vous vous attaquez à nouveau à ce que vous deviez faire avant votre pause.

Le problème c’est que maintenant vous avez encore moins envie de le faire. Alors vous vous forcez pendant 10 minutes et finissez par vous convaincre que vous méritez une nouvelle pause, parce que c’est vraiment trop dur, vous êtes vraiment trop fatigué, cette journée est vraiment trop difficile, et vous venez juste de manger, vous allez bientôt manger, … 1001 excuses se précipitent pour vous pousser à retourner sur votre site préféré.

Et le plaisir est de nouveau là !… Pour un temps, beaucoup plus court que la première fois, alors vous retournez rapidement à votre travail. Mais très vite votre tâche devient à nouveau trop difficile et le cycle recommence.

A la fin de la journée vous êtes encore plus fatigué même si au final vous n’avez pas fait grand-chose à part surfer.

La récompense aléatoire

Mais alors pourquoi surfer est si fatigant à forte dose, et pourquoi est-ce que cette activité apparemment inoffensive favorise tant la procrastination ?

Pour comprendre il faut s’attarder sur ce qui rend ces sites si attirants : la récompense aléatoire. Vous avez peut-être déjà entendu parler de la boite de Skinner. Il s’agit d’un dispositif permettant de conditionner un rat à effectuer une action suite à certains stimuli.

Dans le cas d’un site comme Facebook, le réseau social nous conditionne à nous connecter et à scroller pour voir défiler les actualités de notre mur. Mais pas toutes les publications sont intéressantes. Parfois il faut scroller pendant plusieurs secondes jusqu’à trouver quelque chose qui attire notre regard : un gif de chat, une actu racoleuse, une nouvelle d’un membre de la famille.

On ne sait jamais quelle sera la récompense de ce scroll et c’est ce qui nous pousse à continuer encore et encore.

La dopamine

Le responsable, c’est un neurotransmetteur qui nous met dans un état positif à la perspective d’une récompense : la dopamine. Elle n’est pas libérée quand nous obtenons la récompense mais quand nous savons qu’elle est proche. C’est l’anticipation qui nous fait nous sentir mieux.

Hors, Facebook a été créé pour nous conditionner à anticiper la prochaine récompense. Et ces sites sont bien plus efficaces pour ça que quasiment n’importe quelle situation de la vie réelle. Au travail, il faut parfois travailler plusieurs heures avant d’obtenir la récompense d’une tâche accomplie. Et encore, cette récompense est souvent interne, une satisfaction personnelle du travail bien fait. Sur Pinterest, il suffit de scroller une fois pour accéder à des dizaines de nouvelles images.

Et cette abondance de récompenses cause une surdose de Dopamine. Le cerveau s’adapte donc en diminuant le nombre de récepteurs, ce qui veut dire qu’il faut plus de stimuli pour générer le même effet de plaisir. Les sites type Facebook deviennent donc petit à petit les seules sources capable satisfaire un nombre de récepteurs neuronaux réduit. Le reste de nos vies quotidiennes n’est alors plus assez intéressant pour déclencher ce plaisir. C’est comme ça que l’on finit par ne plus apprécier la banale réalité autant que nos sites favoris.

Et comme la dopamine est une grande partie de la motivation à travailler dur, ou pour n’importe quelle activité qui demande un effort, quand elle n’est plus suffisante dans les tâches quotidienne, difficile de faire l’effort requis pour cette faible récompense. Alors que l’on peut juste scroller une dizaine de fois sur Instagram pour satisfaire notre cerveau.

Le porno

D’ailleurs il y a bien pire que Facebook ou Instagram pour ça : la pornographie. Le sujet mériterait un article à part entière mais je me contenterais de dire que le porno simule l’une des récompenses les plus significative pour notre cerveau, la perspective de se reproduire. L’addiction à la pornographie a les mêmes effets que la simple consommation de divertissement digitaux mais à un niveau bien plus élevé.

La comparaison

Mais les réseaux sociaux ce sont aussi des photos et actualités soigneusement sélectionnées pour être intéressantes. Cela veut souvent dire qu’elles sont soit parfaites, soit scandaleuses. Sur Facebook nous avons tendance à ne poster que nos meilleurs moments : nos vacances, une belle vue, nos dernières acquisitions, nos enfants – qui un jour vous en voudront, soit dit en passant. L’image que nous présentons au monde est embellie et ne représente pas la réalité.

Leur vie est mieux que la mienne

Le résultat c’est qu’à force de consulter ces publications joyeuses et excitantes, l’idée que l’on se fait de la vie de nos connaissance devient faussée. Nous nous conditionnons à penser que la vie des autres n’est qu’un enchaînement de soirées et de sorties, que tout ce qui leur arrive est une bonne nouvelle. Même si consciemment nous savons que leur vie est probablement aussi difficile que la notre, à force de s’immerger dans cette positivité immaculée nous perdons le sens de ce qu’est le véritable quotidien. « Ils sont sortis ce week end ? Ah, ben pas moi… », « Leur bébé a dit son premier mot ? Chouette, moi je viens de faire une fausse couche… »

Alors oui il faut faire un effort conscient, Facebook ou pas, pour se concentrer sur notre positif. Mais avec un tel déluge de parfait qui inonde notre inconscient et redéfinit nos standards, difficile de ne pas regarder autour de nous et de voir une réalité… décevante.

Dois-je quitter Internet ?

Certaines personnes comme Cal Newport, auteur du livre Deep Work, recommandent de quitter complètement les réseaux sociaux. Ils affirment qu’ils n’apportent que de la distraction sans valeur qui diminue la satisfaction de vie en réduisant le temps que nous passons sur ce qui compte vraiment : Les amis, la famille, le bon travail. Cal en particulier conseil de ne pas trouver son divertissement dans le digital, mais plutôt dans les livres, la poésie, l’art et la nature.

Mon avis sur la question est moins tranché, même si j’ai effectivement arrêté d’utiliser Facebook complètement. Je base mes choix à ce sujet sur trois critères.

Le temps

En tant qu’hypersensible, j’ai besoin de 9H de sommeil, 1H de méditation et 1H de détente. Ça ne laisse pas beaucoup d’espace avec un travail à temps plein. Ce qui fait que je ne peux pas me permettre de passer 4 heures par jour devant la télé comme tant de personnes en ont pris l’habitude.

L’énergie

Les personnes hypersensibles sont très souvent en état de sur-stimulation. Le moindre stimuli peut prendre des proportions démesurées et nous empêcher de nous reposer. Les divertissements digitaux sont une de ces sources de stimulation.

En plus d’être addictifs et de diminuer notre appréciation de la vie réelle, ils nous surchargent d’informations le plus souvent inutiles. Ce que nous pensons être un moment de repos est en fait simplement une autre activité qui est simplement de faible intensité. C’est pour ça que regarder la télé ne repose pas, au contraire on est souvent plus fatigués après qu’avant.

La dépression

En nous faisant moins apprécier la vie réelle, les divertissements digitaux favorisent la mauvaise humeur. Et si les personnes normales seront simplement de moins bonne humeur après une heure sur Facebook, les personnes hypersensibles prennent le risque, à terme, d’entrer dans un état dépressif.

L’hypersensibilité se caractérise par un taux de sérotonine anormalement bas, ce qui diminue notre capacité à filtrer les assauts du monde extérieur et nous rend aussi plus sensibles à la dépression. La sur-stimulation prolongée à laquelle nous sommes sujets quasi quotidiennement maintient un taux élevé de cortisol, précurseur au burnout et à la dépression.

Le jour de triche

Sachant tout ça j’ai décidé de limiter ma consommation de divertissements digitaux pendant la semaine : un épisode d’une série pendant la pause déjeuner, un autre le soir, puis une séance de jeux vidéos. Je remplis le reste de mon temps de pause avec un Ebook ou de la méditation.

Pendant mon jour de triche, je me permets les écarts que je ne m’autorise pas pendant la semaine : consulter Reddit, Youtube, me goinfrer de curlys, geeker sur mon jeu du moment… Le samedi est réservé à la non-productivité, je ne fais que ce qui me donne envie. C’est l’un des secrets qui me permettent de rester discipliné le reste de la semaine.

Mais il ne faut pas se leurrer. Aussi organisé qu’on puisse l’être, l’omniprésence de ces divertissements et le fait que certains jours sont plus difficiles que d’autre font que s’en tenir à cette discipline est difficile. Si vous décidez vous aussi de vous limiter un maximum, ne vous en voulez pas trop si vous craquer une fois de temps en temps. Culpabiliser ne ferait que vous enfermer encore plus dans ces comportements que vous voulez éviter.