Le monde va mieux et personne n’est au courant

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L’une des choses qui me frustre et me rend triste concernant le cerveau humain c’est qu’il semble incapable d’évaluer correctement le risque. On a bien plus peur d’une attaque terroriste que de prendre la route. D’une tornade plutôt que d’une échelle abîmée. Alors que dans les deux cas c’est la deuxième option qui fait le plus de morts chaque année. Mais notre perception du risque fait que les gouvernements sont quasiment obligés de débloquer plus de budget pour prévenir la première option.

Les chiffres dont on ne parle pas

6 graphiques montrant l'évolution positive du monde

Toutes les données dont nous disposons montrent que le monde va de mieux en mieux : le nombre de meurtres baisse, il y a moins de 10% d’illettrisme, en 2015 l’extrême pauvreté a aussi été réduite à moins de 10% d’habitants dans le monde et semble partie pour disparaître totalement d’ici 2030. Nous soignons de plus en plus de maladies, le taux de mortalité infantile diminue. Et le plus important c’est que toutes ces métriques s’améliorent à une vitesse jamais vue dans l’histoire de l’humanité. Le monde va de mieux en mieux et de plus en plus vite.

Alors pourquoi y a-t-il un tel pessimisme global ?

Pourquoi est-ce presque mal vu de dire que les choses vont mieux plutôt qu’elles s’empirent ?

L’une des raisons a été découverte par Daniel Kahneman, psychologue et économiste américo-israéelien : l’heuristique de disponibilité.

Le cerveau humain a de grandes difficultés à comprendre les statistiques, qui n’ont que rarement servi à notre survie. Ce qui est bien plus utile à l’individu, c’est de comprendre ses propres circonstances pour y évoluer. L’heuristique de disponibilité est un principe de fonctionnement qui nous pousse à favoriser ce que nous avons vu récemment. Que ce soit pour déterminer une probabilité, choisir entre deux marques, prendre une décision, nous avons tendance à nous baser sur ce qui est le plus présent dans notre mémoire, en dépit des statistiques justement.

Le terrorisme et les accidents de voiture

Par exemple, la différence de risque entre le terrorisme et la voiture. Les médias ne parlent jamais des accidents de la route, ou en tout cas à une fréquence tellement faible que l’on est bien souvent incapable de se souvenir la dernière fois qu’un drame routier a fait la une. Par contre, pas une semaine ne passe sans qu’une mention soit faite du terrorisme, quand ce n’est pas du non-stop pendant et après une attaque. Ce martelage maintient à nos esprits à tous l’image terrible du terrorisme.

Alors quand vient le temps d’estimer la dangerosité du terrorisme par rapport à la route, nous favorisons les informations récentes et les plus présentes à notre esprit : les horreurs du terrorisme. Et tout le monde ignore le fait que la route tue 100 fois plus de personnes chaque année.

Évaluation des risques : La vaccination

Un autre sujet qui me chagrine : les vaccins. Prenons l’exemple du vaccin contre la rougeole. Il peut présenter des effets secondaires et même augmenter le risque du syndrome de Guillain-Barré jusqu’à 1 à 2 cas pour 100 000 personnes. Plutôt effrayant.

Mais si je vous dis que 1 enfant atteint de la rougeole sur 2000 présente une complication neurologique ? Et que 1 cas sur 3000 entraîne la mort ? En vaccinant votre enfant vous réduisez les risques qu’il lui arrive quelque chose jusqu’à 50 fois.

Sans parler des enfants qui ne peuvent pas du tout être vaccinés pour cause médicale. Imaginez que votre enfant se retrouve malade sans conséquences, alors qu’un de ses camarades qu’il aura contaminé parce qu’il ne pouvait pas être vacciné commence à présenter des séquelles neurologiques.

Et si chaque mort, accidentelle ou non, est un drame absolu, n’est-t-il pas de notre responsabilité d’encourager les actions là où elles auront le plus d’impact ? Ou tout du moins, de faire des efforts chacun à notre niveau pour limiter les risques ? Rouler moins vite, aller chez le médecin en cas de symptômes inquiétants, faire vacciner nos enfants…. Réparer nos échelles ?

Pourquoi prêcher l’optimisme ?

Un des reproches que l’on peut faire au fait de vouloir insister sur ce qui va bien plutôt que ce qui va mal, c’est que de cette façon on risque d’être satisfaits de l’état actuel des choses et de ne plus faire d’effort pour les améliorer.

J’ai deux contre arguments à cela :

Nous y sommes presque

Le premier trouve son origine dans le monde professionnel. Les études montrent que les équipes, peu importe l’industrie, sont toujours plus productives au début et à la fin d’un projet. Au début, quand tout le monde est inspiré, motivé à résoudre un problème qui présente un véritable défi. Et à la fin, quand l’objectif est en vue.

Si l’on en croit la presse, le monde va de plus en plus mal. Mais ce que nous montrent les données c’est que le monde va de mieux en mieux et de plus en plus vite. Nous sommes proches de nos objectifs de paix, de santé et de prospérité. Si tout le monde en était conscient et réalisait que oui, chaque effort compte et nous rapproche du but, je suis convaincu que nous irions encore plus vite.

Si au contraire, tout le monde est persuadé que tout va mal et que rien de ce que l’on puisse faire ne changera quoi que ce soit, l’espoir diminue et il devient beaucoup plus facile de prêcher le pessimisme.

Le deuxième argument est simple : en documentant précisément ce qui va mieux et en le diffusant le plus possible, nous savons ce qui fonctionne. Nous pouvons donc concentrer nos efforts sur le plus efficace et aller encore plus vite.

C’est difficile

Alors oui, ça ne vient pas naturellement d’être optimiste pour le destin du monde. D’une part parce que nous sommes conditionnés pour être pessimistes. Mais d’autre part parce que c’est difficile. C’est difficile lorsque l’on a souffert soit même de violence, lorsque l’on a vu soit même le désastre de l’extrême pauvreté ou l’effet de la pollution sur les populations animales.

Mais c’est aussi pour ça que je pense que la diffusion de ces données est importante. Combien de personnes sensibles dans le monde souffrent, non pas de leurs circonstances, mais de l’idée fausse que le monde va de plus en plus mal ?